
Ambivalences
Chansons et contes pour enfants et adultes

La jeune fille et la statue de pierre.
Dans les Pyrénées, on raconte de bien belles légendes car cette montagne est un lieu extraordinaire.
Voici celle d'Émilie et la statue de pierre...
Ceux qui savent ne veulent rien dire et ceux qui ne savent pas cherchent toujours l’endroit où cela s’est passé. Certains ont parcouru les Pyrénées de long en large à la recherche de ce lieu. Ils ont créé les chemins de grande randonnée que l’on connaît aujourd’hui. Tous sont issus de cette quête insensée : Retrouver le lieu de cette légende.
Il faut savoir tout d’abord que dans un petit village, loin dans la plaine, une fillette, Émeline vivait seule avec son père. Celui-ci, travaillait comme forgeron et ne pouvait pas trop s’occuper d’elle. Il se levait tôt pour allumer le feu de la forge et dès que le jour se levait, il commençait à taper sur le fer chaud afin de façonner des charrues, des fers à cheval, des chaudrons… Tout ce qui dans ce village servait à la vie de tous les jours. Le travail ne manquait pas, mais il n’y avait pas beaucoup d’argent. Le peu qu’on gagnait coûtait beaucoup d’efforts. Le soir, quand sa fille voulait qu’il s’occupe d’elle, le maréchal ferrant, fatigué, ne pensait qu’à une chose, souper et aller dormir.
La fillette était tout le temps fourrée à la forge. Son père lui permettait de rester dans un coin mais il ne fallait pas qu’elle bouge. Elle regardait émerveillée les bras puissants de son père qui modelaient le métal ne fusion. Il lui répétait sans cesse :
• Reste bien dans ton coin tu es trop petite, tu te ferais mal.
Il est des phrases qui restent longtemps dans la mémoire des petites filles. La seule façon de plaire à son père était de ne pas bouger, de ne pas faire de bruit. Parfois elle lui demandait des outils pour faire comme lui, mais il lui répondait invariablement :
• Tu vois bien que tu es trop petite, tu ne pourrais pas supporter le poids du marteau.
Alors, la petite fille sortait de l’atelier et soulevait des cailloux de plus en plus gros pour pouvoir un jour soulever le marteau. C’était son but : faire comme son père. Elle grandissait et forcissait et un jour que son père s’en était allé ferrer un cheval chez le voisin d’en face, il lui dit :
• Reste là , je n’en ai pas pour longtemps.
Alors, elle s’approcha de la forge et saisit le marteau. Il lui sembla lourd, mais elle pouvait maintenant le soulever. Quand on père revint, elle lui dit :
• Papa, je crois que maintenant, j’ai grandi et je peux soulever le marteau.
• Soulever le marteau, tu n’y penses pas, tu es trop petite et puis, tu te ferais mal en le maniant.
Émeline retourna dans son coin en pleurant silencieusement. Il ne fallait pas que son père l’entende, autrement, il la gronderait. Sa fille à lui ne devait jamais pleurer.
Dans les jours qui suivirent, Émeline alla dans la remise et y dénicha un vieux marteau tout ébréché. Elle décida d’apprendre à s’en servir. On ne la vit plus dans l’atelier. Elle restait dans la remise et tapait sans fin sur le sol parce que ça ne faisait pas de bruit, Elle s’y épuisait, mais ne s’arrêtait que quand elle n’en pouvait plus. Au bout de quelques jours, sentant que personne ne pouvait l’entendre car la remise était loin de l’atelier, elle tapa sur des vieux outils qui se trouvaient là . Elle tapait jusqu’à épuisement, mais fatiguée de taper sur rien, elle prit un madrier et avec des vieux burins, elle commença à taper dessus. C’était magique. Elle sortait de gros morceaux de bois et au bout d’un moment, apparut la forme d’un cube. Oh c’était un cube tout tordu, mais, ça y ressemblait un peu. Elle rangea tout soigneusement, enleva les copeaux du sol et fit disparaître l’ébauche de cube sous d’autres outils. En sortant, elle se retourna et vit que rien ne trainait. Elle se précipita à la maison et prépara rapidement le repas. car elle était chargée de la cuisine. De toute façon, les repas étaient toujours les mêmes, une soupe avec des patates, des poireaux et des carottes.
• Cette soupe n’a pas assez cuit. Qu’est ce que t’as fabriqué ? Je me tue à la tâche et la seule chose que tu as à faire, faire la soupe, tu la fais mal !
Émeline se tût. C’était toujours comme ça. Elle rentra la tête dans les épaules et se protégea le visage. Pour une fois, aucune gifle ne s‘abattit sur elle. Son père finit la soupe et alla se coucher. Il ne mit pas longtemps à s’endormir.
Chaque soir, quand son père s’endormait, Émeline sentait monter en elle une grande tristesse. Comme son père le lui répétait tout le temps, elle se sentait incapable de rien faire de bien.
Les années passèrent ainsi, monotones, toujours la même chose. Comme Emeline grandissait, son père lui demandait de plus en plus de l’aider à l’atelier. Elle lui passait les outils, allait chercher la tôle. Elle ne faisait jamais assez vite et jamais elle ne devait s’approcher de la forge.
• C’est bien trop dangereux pour toi. Tu n’es qu’une fille et les filles n’ont pas à manier les outils des hommes.
Pourtant en secret, Émeline continuait à manier le marteau et les burins dans la grange. Elle était devenue une experte et maintenant, elle arrivait à se faire des animaux en bois, des poupées qu’elle cachait dans la remise. Elle aurait bien voulu les montrer à son père, mais celui ci aurait crié que ce n’était pas un travail de fille et Emeline vivait toujours dans la peur d’être découverte.
L’histoire d’Émeline commence vraiment l’année de ses dix huit ans. Elle fut envoyée chez sa tante en montagne pendant les vacances. Elle découvrit qu’elle aimait la montagne, même si elle en avait un peu peur. Au début elle commença par de petites balades dans les contreforts, puis elle s’aventura plus haut. La marche était pour elle une révélation. Petit à petit, elle comprit le plaisir de marcher d’un rythme lent et régulier. Son corps devint plus fort et elle put monter plus haut. Elle se sentait libre au milieu des sapins qui bordaient le chemin. Personne pour lui rappeler que c’était une fille incapable de rien faire. Elle y resta ainsi pendant un mois et la veille de son départ, elle monta encore plus haut, atteignant cet endroit où les arbres disparaissent et où il ne reste plus que la montagne nue. Le sentier était de plus en plus raide et près du sommet, elle déboucha sur un énorme rocher qui barrait le passage. Il fallait revenir sur ses pas et trouver un autre passage. Ce sentier était une voie sans issue. Elle s’assit, découragée. Elle regarda longtemps le paysage et tout ce qu’elle avait grimpé. Elle se sentait fière d’elle. Le village de sa tante, en bas paraissait tout petit et la dernière partie du chemin était très abrupte. Elle passa un long moment ainsi, admirant intensément la nature autour d’elle. C’est alors qu’elle entendit un craquement dans la pierre et aussitôt une voix lui dit :
• Sors moi de là !
Elle regarda autour d’elle et ne vit rien. La voix recommença :
• Sors moi de là !
Elle regarda alors vers le rocher qui barrait le chemin et, prise dans la roche, elle aperçut la forme d’une jeune fille. Effrayée, elle se leva et s’éloigna.
• N’aie pas peur !
• Qui es tu ?
• Mon nom importe peu. Sors moi de là !
• Te sortir de là ? Mais comment veux tu que j’y arrive ?
• Je ne sais pas. Approche. Je ne peux pas parler très fort.
Émeline s’approcha précautionneusement et en observant mieux la jeune fille de pierre, elle fut fascinée par sa beauté. Elle se saisit d’un caillou tranchant et entreprit de la délivrer.
Elle se tailla les doigts et n’entama guère le rocher.
• C’est bien, tu as commencé à me libérer, mais il faudra bien plus qu’un caillou pour que je puisse renaitre.
Émeline baissa les bras et se sentit impuissante.
• Comment puis je faire ?
• Ne t’inquiète pas, tu vas trouver une solution.
• Mais je pars demain !
• Je suis là depuis si longtemps que le temps n’a pas d’importance pour moi. En attendant que tu reviennes, je garderai en moi l’espérance de ton retour. Pars maintenant, tu as encore un long chemin pour revenir au village.
Émeline quitta à regret la belle jeune fille de pierre et en redescendant jusqu’au village, elle se retourna souvent pour mettre dans sa mémoire le chemin qui menait jusqu’à elle.
De retour chez elle, son père la trouva différente. Il lut dans ses yeux que quelque chose avait changé. Chaque fois qu’elle avait un moment de libre, Émeline le passait dans la remise à sculpter le bois. Elle sculptait toujours la même forme, une jeune fille. Le temps passa et au cours d’une de ses promenades, Emeline remarqua une vieille maison effondrée. Elle s’approcha et ramassa un bloc de calcaire, cette pierre tendre qui était la base des maisons de la région. Arrivée à la remise elle se mit à le sculpter. C’est difficile de travailler la pierre. Les outils s’abîment vite. En regardant son père, elle avait appris à aiguiser les outils. Pour son burin, elle le fit de temps en temps quand son père s’absentait. Dans l’atelier de son père elle récupéra une massette, une pointe à tracer et un ciseau que son père avait jetés. Elle affina ses mouvements et elle commença à prendre plaisir à s’affronter à la dureté de la pierre.
C’est ainsi que les mois passèrent et les vacances arrivèrent. Quand Émeline fut de retour dans la montagne, chez sa tante, la première chose qu’elle fit fut de regarder vers le sommet. Elle ne pouvait pas voir le rocher, mais elle le devinait, là bas, à côté de la combe.
Elle dut attendre longtemps avant de faire sa première sortie, mais au troisième jour, sa tante lui donna l’autorisation de s’absenter pour la journée.
Emeline peina beaucoup pour la montée. Elle emportait avec elle les outils dont elle se servait dans la remise. Arrivée en haut, elle déposa son sac et regarda le rocher. Elle s’attendait a être bien reçue, mais elle ne vit ni n’entendit la jeune fille. Fatiguée, elle s’assit, but un peu et regarda la vallée. Elle était absorbée par le spectacle quand le rocher craqua :
• Bonjour, je suis contente que tu sois revenue.
Émeline se retourna et vit la jeune fille. Heureuse, elle ouvrit son sac, prit les outils et les lui montra.
• Ce sont de beaux outils. Tu devrais avancer vite.
Émeline se mit au travail. En s’approchant, elle se rendit compte que la jeune fille avait à peu près sa taille. Elle commença. Jamais elle ne s’était absorbée autant dans une tâche. Elle se sentait exaltée. La tâche était rude. C’était du granit et non pas du calcaire, la pierre tendre qu’elle avait l’habitude de sculpter. Il fallait taper fort pour faire sortir de tout petits morceaux. Au bout d’une heure elle était découragée. Elle s’assit, les larmes aux yeux.
• Ne t’inquiète pas. Tu vas y arriver.
• Non, c’est trop difficile. Mon père a raison. C’est pas fait pour les filles. On n’est pas assez fortes.
• Tu crois ?
Cette simple question obligea Émeline à penser à tout ce qu’on lui avait toujours dit. Elle se leva et recommença. Les bras lui faisaient mal. Alors elle se dit dans sa tête
• Non ! Ce n’est pas réservé aux hommes. Non ! Ce n’est pas réservé aux hommes !
Chaque coup avait le goût du désespoir. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais y arriver ainsi. Trop mal aux bras. Alors elle changea de main. Elle était plus maladroite, mais elle avait moins mal. Quand elle eut mal au dos à force de se pencher, elle attaqua plus haut. Sa complainte s’était réduite à un « Non » qu’elle prononçait à chaque coup, indéfiniment dans sa tête. Quand la journée finit, elle était exténuée, mais dans ses yeux brillait une force nouvelle. Elle s’exprimait par un simple « non » qui s’était inscrit toute la journée dans ses muscles, et dans tout son corps. Elle s’assit pour reprendre son souffle et elle regarda ce qu’elle avait sculpté. Ca représentait peu de choses, mais on voyait apparaître un peu la jupe de la jeune fille.
• Merci, je commence à sentir ma jupe.
• Je suis fatiguée. Je vais redescendre. J’espère que je pourrai revenir demain.
• A demain.
Elle redescendit au coucher du soleil. Elle ne sentait plus son corps. Il était enfoui sous la fatigue, mais elle marchait d’un pas léger. Une force nouvelle la poussait maintenant.
Au village, elle se lia d’amitié avec un très vieux berger et celui-ci lui proposa de venir l’aider dans les estives. Elle accepta avec plaisir. Le vieil homme demanda la permission à sa tante, et celle-ci la lui donna sans hésiter. Sa cabane de berger était toute en haut, à tout juste un quart d’heure de marche du rocher à la jeune fille.
La vie prit une tournure plus tranquille. Elle n’avait plus à monter tous les jours. Elle aidait le soir à rentrer les brebis dans l’enclot, puis elle aidait à la traite et à la fabrication du fromage. Le reste de la journée, elle était libre et elle partait en direction des sommets.
Émeline comprit qu’elle pouvait éviter une trop grande fatigue. L’énergie du désespoir fit place à l’expérience. Elle changeait souvent de position. Elle attaquait un peu plus vers le bas ou un peu plus vers le haut. Elle changeait de côté, frappant d’une main puis de l’autre. Elle ne répétait plus le « non » du début, mais dans ses yeux on pouvait lire maintenant la volonté d’y arriver.
C’est en s’attaquant aux traits du visage qu’Émeline ressentit pour la première fois de la tendresse. Elle sculptait avec douceur. Elle s’arrêtait souvent pour caresser les joues ou le front, plus tard l’arrête du nez. Elle lissait le visage avec le burin. De temps en temps elle se caressait aussi son visage pour comparer et savoir si son résultat convenait. La froideur de la pierre ne l’empêchait pas de ressentir la douceur du grain de ses gestes. Elle commençait à trouver en elle de la douceur aussi. Elle se dit que son père ne l’avait jamais embrassée, jamais caressée et d’un seul coup cela lui manqua. Elle décida de se donner de la tendresse. Ses coups de burins se firent moins violents mais plus précis et son travail avançait ainsi beaucoup plus vite.
• Je te remercie pour ta tendresse dit la jeune fille de pierre.
• Comment le sens-tu ?
• Je ressens tout ce que tu ressens quand tu sculptes. Je sais ce que tu penses avec seulement la brutalité ou la tendresse de tes gestes. Au début, tes gestes étaient violents et inefficaces. On t’aurait dit en colère. Tu te fatiguais pour rien. Peu après, ils sont devenus plus méthodiques comme si tu commençais à comprendre quelque chose, puis maintenant je sens qu’ils sont plus doux.
• Tu as raison. Avant j’en voulais à mon père de ne jamais me faire confiance, puis peu à peu, à force de taper, taper, taper, ça s’est estompé et je suis devenue heureuse de sculpter. Et là , là , je viens de découvrir en moi ton visage et sa douceur. Il est comme le mien, maintenant, il a envie de douceur, de tendresse.
Émeline recommença à sculpter, absorbée par les coups de massettes et le visage qui prenait forme petit à petit. Il devenait de plus en plus beau.
Chaque fin d’après midi, Émeline retrouvait le vieux berger et à ses questions elle répondait qu’elle se baladait en montagne pour voir les lieux en bas suivant d’autres perspectives. Comme elle faisait bien son travail, le vieux berger ne poussait pas plus loin ses investigations.
Au bout d’une semaine de sculpture, la forme extérieure de la jeune fille était dégagée. Elle s’attaqua alors à la partie qui l’attachait à la montagne de façon à la détacher du rocher. Il fallait donner de grands coups pour arracher de gros morceaux. Elle n’aurait jamais cru que libérer la jeune fille serait aussi dur. Heureusement, avec la technique et sa nouvelle force physique, elle avança vite. Chaque fois qu’elle arrachait un gros morceau elle se disait ça y est, j’approche du but et elle se sentait plus légère. Tout ce qui lui semblait impossible avant lui paraissait maintenant à portée. Sa main ne tremblait plus, sa pensée ne s’aventurait plus dans les méandres du découragement. Elle se sentait forte maintenant, assez forte pour aller au bout de son projet.
Une semaine passa encore et la jeune fille fut presque complètement dégagée. Il ne restait que les pieds et la finition. Quand elle repensait parfois à ses débuts, elle souriait. Elle se voyait tapant et disant « non » à chaque coup porté. Elle sentait maintenant toute le distance qui la séparait de ces débuts là . Elle était plus calme, plus sereine. Elle avait gagné en qualité de frappe et de compréhension de la pierre.
Quand elle revint le jour suivant, elle ne prit pas les outils. Elle passa la journée à regarder le village en bas, les moutons et les vaches qui broutaient sur les pentes. Elle regarda la jeune fille qui était presque libre. Elle prit le plaisir de regarder le chemin parcouru. Elle ne voulait pas que ça finisse si vite. Le moment de redescendre à la cabane du vieux berger arrivait. Elle se dit :
• Demain je peux finir. Il ne reste plus que les pieds.
• Tu hésites à finir ? demanda la jeune fille de pierre.
• Non, mais je veux garder tout en mémoire, tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai compris. Je ne veux pas me précipiter pour finir. Après, je ne sais pas ce que je ferai. Ca m’a pris tellement de temps pour arriver là que je me sens bien ainsi à te regarder. Et toi, ça te tarde de te retrouver libre ?
La jeune fille ne répondit pas à la question. Il était tard, Émeline redescendit tout doucement et le paysage lui parut plus tranquille. Elle était sûre maintenant qu’elle allait y arriver.
Le lendemain, quand elle se leva, le ciel avait changé. Il y avait du brouillard. Elle monta. Passé le brouillard, elle trouva des nuages. Arrivée devant le rocher, elle se mit au travail. Elle dégagea le pied gauche, puis vers la fin de la matinée le pied droit. Et là au moment où elle se rendit compte que si elle dégageait le dessous de la jeune fille, celle-ci allait tomber et se fracasser au fond de la vallée, le ciel s’obscurcit et les premiers éclairs tombèrent sur la montagne. Émeline savait que c’était dangereux de garder près d’elle des objets en fer. Ca attirait la foudre. Elle les déposa à l’abri derrière les pieds de la jeune fille et elle alla s’abriter un peu plus loin sous un rocher. Les éclairs se rapprochèrent, le tonnerre faisait un bruit étourdissant. Enfin, l’air craqua tout à coup et un éclair s’abattit tout près d’elle sur les outils en fer. Emeline vit la boule de feu parcourir la pierre et celle ci devint transparente tellement la lumière était violente. La forme de la jeune fille apparut d’une blancheur immaculée.
Émeline n’eut pas peur. C’est comme si elle savait que ça allait se produire. Elle se sentit aussi irradiée de lumière. Elle se leva, s’avança vers la jeune fille de pierre et celle ci se détachant du rocher s’avança aussi vers elle. Elles s’embrassèrent et Émeline sentit d’un seul coup que la jeune fille et elle ne faisaient plus qu’un.
Les éclairs cessèrent, les nuages se dispersèrent et le soleil apparut. Sur le visage d’Émeline on lisait de la sérénité. Elle avait trouvé la partie d’elle même qui lui manquait. Quand elle se retourna pour voir le rocher, elle vit la forme de la jeune fille en creux avec, fondu à ses pieds les outils qui lui avaient servis à la libérer.
C’est cette forme là que les montagnards ont cherchée de tout temps. Ils ont tellement cherché que les sentiers de randonnée sont maintenant bien marqués, en creux, dans la montagne. Il faut dire qu’il faut être très près et regarder d’une certaine façon, avec les rayons du soleil couchant pour voir apparaître la forme en creux de la jeune fille. Peu de gens l’ont vue, mais ceux qui l’ont vue restent marqués à jamais car ils entendent au fond d’eux, racontés par une voix profonde, l’histoire d’Emeline et de la jeune fille de pierre.
Arsac le lundi15 décembre