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Pendant le chemin du retour, j’essayai de voir comment la rivière entravée pourrait  devenir une rivière qui coule. Ca me semblait un problème insoluble. Je ne dormis pas de la nuit et le lendemain, en allant voir la rivière, je ne savais pas comment lui annoncer que je n’avais pas de solution pour elle. Je m’assis un peu triste à côté d’elle et j’entendis une voix toute joyeuse.

  • Tu as raison. Je peux devenir une vraie rivière. Une rivière qui coule et qui va jusqu’à la mer.

  • Ah, oui, et comment ?

  • Il faut que tu m’aides. Tu veux bien ?

  • Evidemment. Dis moi ce que je dois faire.

  • Il faudrait que tu remontes à ma source.

  • Ca, ce n’est pas très difficile.

  • Il faudra aussi que tu regardes bien entre les herbes.

  •  

     En chemin, je me dis que cette rivière savait plein de choses sur elle. Et elle devait savoir depuis longtemps que quelque chose n’allait pas de ce côté là. Ce que j’admirais chez elle     c’était son envie de changer.

 

      Quand j’arrivais à la source, je regardais entre les herbes mais, je ne trouvais rien de particulier.

  • Tu sais, il n’y a rien d’anormal De l’herbe un peu haute peut-être.

  • Si, regarde un peu mieux, sur la droite, oui, là, là où l’herbe est bien haute.

  • Ah oui, il y a un tout petit caillou.

  • Oui, voilà.

  • Oh la la ! Je l’ai enlevé et à sa place, il y a un tout petit filet d’eau qui coule et qui murmure doucement.

  • Je le sens. Il est tout petit, mais il me fait un bien fou.

  • J’ai l’impression d’entendre ta voix pour la première fois. Elle est claire douce et émouvante.

  • Moi aussi, j’ai l’impression de m’entendre pour la première fois. Je me sens toute drôle.

 

   Il se fait tard. Il faut que je te laisse. J’ai beaucoup de chemin à parcourir pour rentrer. A demain.

       En chemin, je me suis dit qu’il ne fallait jamais s’en faire dans la vie. Il y avait toujours une solution qui apparaissait.

       Le lendemain, quand je retournai près de la source, je vis que l’eau commençait à déborder et à couler vers le bas. Je m’assis et je regardai longuement. Le filet d’eau avait du mal à couler, mais c’était inexorable car il coulait sans arrêt. Il commença à nettoyer le premier bassin d’eau boueuse, puis le second, puis le troisième. Les premiers barrages entre les bassins sautèrent petit à petit.

           Mes vacances s’achevaient et je devais repartir. Il fallait que je l’annonce à la petite rivière.

  • Il va falloir que je parte. Je suis heureux de voir que tu commences à couler.

  • Tu reviendras me voir ?

  • Oui. Aux prochaines vacances.

  • Je t’attendrai. Fais attention à toi.

  • Toi aussi. Au revoir !

  • Au revoir !

     Je partis à la fois triste et content. Je ne revins qu’un an après. Je me précipitai voir la rivière entravée. Je courus à travers la lande désolée et quand j’arrivai en haut de la dernière colline,       j’entendis un bruit d’eau. J’avançai un peu plus et  je vis tout en bas une jolie rivière qui coulait doucement. Son eau était transparente. Ses rives étaient vertes et quelques petits arbres avaient commencé à pousser. J’osais à peine m’avancer tant la beauté de cette nouvelle rivière me faisait battre le cœur.

 

  • Avance, n’aie pas peur me dit la rivière. Je suis toujours la même, même si j’ai beaucoup changé.

  • Tu es vraiment magnifique. Tu n’as plus tes petits lacs, tes retenues et leurs eaux boueuses. Tu coules et ton eau est claire, fraîche et transparente.

  • J’ai beaucoup travaillé en ton absence. Parfois ça a été très dur de casser les barrières de mes différents lacs, alors, quand j’étais découragée, je  pensais très fort que tu étais venu si longtemps me voir, et je continuais de plus belle. Maintenant, je me sens neuve. De temps en temps, je sens bien au fond de moi que les lacs creusent encore des poches, mais l’eau claire qui court par dessus les rend inoffensives.

  • Je suis content que tu sois si belle. Tu m’impressionnes un peu.

  • Pourtant je n’ai pas vraiment changé. J’aimerais que tu me fasses plaisir.

  • Oui, tout ce que tu veux.

  • J’aimerais t’offrir un peu de mon eau.

 

Alors je me penchai et je bus un peu de son eau fraîche et transparente.

 

 

                                                      Le 7 mai 2013

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