Ambivalences
Chansons et contes pour enfants et adultes
alors que j’étais assise, en dehors du village, sous un arbre millénaire, immense et tout noueux, mon cerveau se vida. Je n’étais plus rien, si ce n’est le ruisseau,
l’herbe, les oiseaux. Une immense paix m’envahit. Cela ne dura qu’une minute car les enfants vinrent me retrouver pour que je joue avec eux.
Quelque chose venait de se briser en moi. Une brisure immense. Je jouais avec les enfants mais c’était comme si j’étais absente.
Il me fallut des mois pour apprivoiser cette brisure. Tous les jours, j’allais m’asseoir sous
l’arbre. Je me transformai en rivière, en oiseau, en arbre. C’étaient des moments magiques qui duraient de plus en plus longtemps. Pour la première fois, j‘étais bien. Une porte s’était ouverte en moi et je décidai alors de franchir celle du vieux sorcier.
Quand il vint me chercher, je me rendis compte qu’il était beaucoup plus vieux. Il marchait difficilement mais son port de tête était altier et dans ses yeux brillaient un éclat insaisissable.
Quand je fus assise sur le vieux coussin vert, qu’il se fut assis difficilement sur le vieux coussin rouge, il me posa la question rituelle :
-
Qui es tu ?
-
… Je ne répondis pas. Je ne pouvais rien dire.
Le silence s’installa. Un silence d’une profondeur et d’une intensité impressionnante.
Au bout d’un long moment, le vieux sorcier se leva, il me prit par la main et m’emmena dans une très belle pièce décorée avec soin. Tout inspirait l’harmonie. Il me fit asseoir sur un grand coussin rouge et vint s’asseoir à côté de moi. Ce n’est qu’à ce moment là qu’il me dit :
-
Je suis content de te connaitre. Je t’ai attendu si longtemps.
Sur ce il prit une théière dont l’eau était en train de bouillir et il servit le thé.
Quand on eut fini de boire, il me regarda longuement dans les yeux et je ressentis sa présence en moi. Je sentis aussi ma présence en lui.
Aucun mot ne sortit de ses lèvres, aucun mot ne sortit des miennes.
Quand il se leva pour me raccompagner à la porte, je le sentis plus jeune, plus alerte, plus vif. Je vis dans ses yeux de la joie et un petit sourire.
Quand juste avant qu’on se sépare, il me serra doucement dans ses bras,
et je sentis que je n’étais plus seule.
Fin
Arsac 4 octobre 2012