Chacun avait suspendu sa bouche, ce que je fis aussi. J’errai dans les couloirs. Toutes les salles étaient occupées. Je montai au premier étage et, juste quand j’arrivais, un vieil homme sortit par une porte et il me la tint ouverte. J’y pénétrai donc et vis un petit couloir bleu foncé et au fond un rideau bleu clair. J’avançai, soulevai le rideau et entrai dans une salle sphérique. De nombreux escaliers aux formes bizarres couraient sur les murs. Des poignées sortaient de partout. Je m’approchai et tirai sur l’une d’elles. Il en sortit un large tuyau avec un embout semblable à un masque pour respirer. Je le mis sur mon nez et j’attendis. Rien ne se passa. Alors, je respirai profondément et là, une forte odeur de vanille arriva jusqu’à moi. Avec elle je vis des gâteaux, je sentis dans mon palais la saveur d’une glace, celle de la crème anglaise. De nombreuses sensations m’envahirent tout à coup. Je fermai les yeux et me laissai emporter dans les lieux de mon enfance. Petit à petit, la senteur s’atténua, je remis le masque en place et je refermai le tiroir.
Dans la pièce, aucune odeur. Je décidai l’aller ouvrir le tiroir qui se trouvait au sommet de la salle. Un masque tomba vers moi, comme on en imagine dans les avions. Je le mis sur mon nez et je respirai. Une odeur de sous-bois m’emporta loin de cette salle et me projeta dans la forêt. J’étais à la recherche de mousse pour des compositions florales, de champignons pour l’omelette du soir, ou je me baladais tranquillement. Tout me remonta en mémoire. Ce fut un flash rapide et intense, puis l’odeur s’atténua. Je descendis doucement le petit escalier et je regardai la salle. Il devait y avoir une centaine de tiroirs, mais j’avais compris. Les odeurs gardaient avec elle des souvenirs puissants. Je tentai une dernière expérience. J’ouvris un tiroir sur ma gauche. Je mis le masque et je me concentrai avant de respirer. Une odeur de soupe me projeta littéralement dans la cuisine de ma grand mère, en plein hiver, quand il faisait froid dehors et qu’on se brûlait les lèvres en mangeant trop vite. Elle me servait et me resservait. C’était comme dans la réalité. En une fraction de secondes, ma grand-mère avait repris vie.
Je ressortis de ce cocon plein de senteurs-souvenirs, un peu hagard, les yeux dans le vague. Que de voyages brusques et intenses les odeurs pouvaient me faire vivre !
En sortant dans la rue, ce furent les gaz d’échappement que je sentis en premier, mais je m’arrêtai aussi pour humer le parfum des fleurs du parc que je traversais. Il devait être bientôt midi et les odeurs de cuisine quand je passais près des maisons avec leurs fenêtres ouvertes me faisaient imaginer le prochain repas, la table, les convives, les rires et les plats qui se succédaient.
Devant m’absenter....