Parfois elle lui demandait des outils pour faire comme lui, mais il lui répondait invariablement :
Tu vois bien que tu es trop petite, tu ne pourrais pas supporter le poids du marteau.
Alors, la petite fille sortait de l’atelier et soulevait des cailloux de plus en plus gros pour pouvoir un jour soulever le marteau. C’était son but : faire comme son père. Elle grandissait et forcissait et un jour que son père s’en était allé ferrer un cheval chez le voisin d’en face, il lui dit :
Reste là, je n’en ai pas pour longtemps.
Alors, elle s’approcha de la forge et saisit le marteau. Il lui sembla lourd, mais elle pouvait maintenant le soulever. Quand on père revint, elle lui dit :
Papa, j’ai grandi et je peux soulever le marteau.
Soulever le marteau, tu n’y penses pas. Tu es trop petite et puis, tu te ferais mal en le maniant.
Emeline retourna dans son coin en pleurant silencieusement. Il ne fallait pas que son père entende ses sanglots, autrement, il la gronderait. Sa fille ne devait jamais pleurer.
Dans les jours qui suivirent, Emeline alla dans la remise et y dénicha un vieux marteau tout ébréché. Elle décida d’apprendre à s’en servir. On ne la vit plus dans l’atelier. Dans la remise elle vit que taper sur le sol ne faisait pas de bruit, et elle répéta les mêmes gestes toute la journée. Elle s’y épuisait, mais ne s’arrêtait que quand son bras la faisait trop souffrir. Au bout de quelques jours, elle comprit que son père ne pouvait l’entendre car la remise était loin de l’atelier et elle tapa sur des vieux outils qui se trouvaient là, jusqu’à épuisement. Bientôt, elle domina son geste et taper pour taper lui sembla bien stérile. Alors elle prit un vieux burin et un madrier qu’elle commença à façonner. C’était magique. Elle en sortait de gros morceaux de bois et au bout d’un moment, apparut la forme d’un cube. Oh c’était un cube tout tordu, mais, ça y ressemblait un peu. Elle rangea tout soigneusement, enleva les copeaux du sol et fit disparaître l’ébauche sous d’autres outils. En sortant, elle se retourna et vit que rien ne trainait. Elle se précipita à la maison et prépara rapidement le repas. De toute façon ...