Chaque fin d’après midi, Emeline retrouvait le vieux berger et à ses questions sur son emploi du temps de la journée, elle répondait qu’elle se baladait en montagne pour découvrir d’autres vues sur la vallée. Comme elle faisait bien son travail, le vieux berger ne poussait pas plus loin ses investigations.
Au bout de trois semaines de sculpture, la forme extérieure de la jeune fille était dégagée. Elle commença alors la partie qui l’attachait à la montagne de façon à la détacher du rocher. Il fallait donner de grands coups pour arracher de gros morceaux. Elle n’aurait jamais cru que libérer la jeune fille serait aussi dur. Heureusement, avec la technique et sa nouvelle force physique, elle avança vite. Chaque fois qu’elle arrachait un gros morceau elle se disait ça y est, j’approche du but et elle se sentait plus légère. Tout ce qui lui semblait impossible avant lui paraissait maintenant à portée. Sa main ne tremblait plus, sa pensée ne s’aventurait plus dans les méandres du découragement. Elle se sentait forte, assez forte pour aller au bout de son projet.
Une semaine passa encore et la jeune fille fut presque complètement dégagée. Il ne restait que les pieds qui la rattachaient à la montagne. Quand Emilie repensait à ses débuts, elle souriait. Elle se voyait tapant et disant « non » à chaque coup porté. Elle sentait maintenant toute la distance qui la séparait de ces moments là. Elle était plus calme, plus sereine. Elle avait gagné en qualité de frappe et en compréhension de la pierre.
Quand elle revint le jour suivant, elle ne prit pas les outils. Elle passa la journée à regarder le village en bas, les moutons et les vaches qui broutaient sur les pentes. Elle regarda la jeune fille qui était presque libre. Elle prit plaisir à regarder le chemin parcouru. Elle ne voulait pas que ça finisse si vite. Le moment de redescendre à la cabane du vieux berger arriva. Elle se dit que le lendemain elle pouvait en terminer.
Tu hésites à finir ? demanda la jeune fille de pierre.
Non, mais je veux garder tout en mémoire, tout ce que j’ai fait, tout ce que j’ai compris. Je ne veux pas me précipiter. Après, je ne sais pas ce que je ferai. Ca m’a pris tellement de temps pour arriver là que je me sens bien ainsi à te regarder. Et toi, ça te tarde de te retrouver libre ?
La jeune fille de la statue...