Là, il avait su tout de suite que plus rien ne restait de sa vie. Il avait erré pendant trois semaines, participant aux recherches, puis, quand tout fut fini, quand à l’espoir succéda le vide, il sut qu’il devait partir. Il se vit, dans un rêve, cheminant sur un sentier. Alors, le matin même, au petit jour, les larmes dans les yeux, il prit son bâton et il marcha droit devant. La solitude le faisait avancer pas après pas. Le village dévasté défilait sans arrêt devant ses yeux. Chaque soir, comme pour effacer avec ses larmes la vision du village en ruines, il pleurait et s’endormait les larmes aux yeux.
Il marchait du lever au coucher du soleil. C’étaient des marches épuisantes. Il savait qu’il fallait exténuer le corps pour épuiser le désespoir qui l’envahissait dès le réveil. Il acceptait d’avance la solitude de ce voyage.
Au bout de quelques semaines, il sentit que tout devenait mécanique en lui : se lever, prendre le chemin, marcher, demander l’aumône d’un repas, reprendre le chemin, s’arrêter et dormir. Le lendemain, se lever à nouveau et recommencer. Au bout de quelques semaines le tourbillon de pensées qui l’avait assailli au début du voyage se calma.
Il marcha encore des mois, sans but, comme un automate. Il fuyait comme un animal. Fuir, sans but, fuir pour fuir. Les vallées succédaient aux vallées, les cols succédaient aux cols.